Jacqueline Rousseau et le maintien à domicile des personnes âgées

Jacqueline Rousseau et le maintien à domicile des personnes âgéesJacqueline Rousseau Ph.D, est ergothérapeute et professeure titulaire au programme d’ergothérapie de l’École de réadaptation de l’Université de Montréal. Elle est également chercheuse au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal (CRIUGM) et directrice du laboratoire RE-PÈR+E (RElation PERsonne-Environnement). Jacqueline Rousseau est Lauréate du Mérite du Conseil Interprofessionnel du Québec (CIQ)-2010, pour s’être distinguée au service de sa profession et de son ordre professionnel.

Expertises

Maintien à domicile et dans la communauté, développement d’instruments d’évaluation, gérontechnologies, accessibilité universelle et personnalisée.

À quel besoin souhaitez-vous répondre avec votre recherche?

Jacqueline Rousseau : Mes principales activités de recherche concernent le maintien à domicile des personnes âgées. Je développe des instruments d’évaluation afin de mieux comprendre la communauté vieillissante à domicile et je m’adonne à mettre sur pied des technologies pour venir en aide à ces personnes âgées ainsi qu’à leurs proches aidants. Le but est de faciliter le travail des intervenants et de permettre aux aînés de demeurer à domicile dans les meilleures conditions. Les personnes âgées souhaitent demeurer le plus longtemps possible à la maison et ce phénomène est de plus en plus d’actualité au Québec compte tenu du taux de vieillissement parmi les plus élevés au monde. Notre priorité est d’effectuer de la recherche pour réduire leur nombre en institution. L’objectif est de maintenir leur qualité de vie et de favoriser le « bien vieillir » dans la communauté. On observe d’ailleurs des changements positifs dans le domaine. En effet, l’Organisation mondiale de la santé appuie maintenant les villes amies des aînés. Ces municipalités favorisent le maintien à domicile en rendant notamment le transport et les ensembles résidentiels mieux adaptés aux personnes âgées et à mobilité réduite. Par exemple, certaines de ces municipalités se préoccupent d’avoir des feux de circulation avec un délai plus long pour permettre aux personnes âgées de traverser la rue de façon sécuritaire.

En somme, l’essentiel est de trouver des applications concrètes aux résultats de recherches. Les stratégies et les outils développés grâce à la recherche doivent être concertés avec les personnes âgées, les aidants et les intervenants pour ainsi s’assurer qu’ils peuvent être utiles. Il est primordial d’adapter les stratégies selon l’opinion des personnes directement concernées.

Quels sont les défis dans votre champ de recherche?

Jacqueline Rousseau : Le plus grand défi est de financer les projets de recherche afin de les réaliser en temps opportun. Il faudrait davantage de bourses pour les étudiantes et étudiants pour assurer une bonne relève dans les domaines liés au vieillissement. L’intérêt des étudiants est là, mais le financement de leurs études et de leurs projets de recherche est insuffisant.

De plus, les changements actuels dans le réseau de la santé et des services sociaux complexifient non seulement le travail des gens concernés, mais également la réalisation des projets de recherche.

Comment vous êtes-vous intéressé à ce sujet?

Jacqueline Rousseau : Mon intérêt a débuté lorsque j’étais clinicienne en tant qu’ergothérapeute dans une équipe de maintien à domicile. C’était une des équipes pionnières au Québec à participer à la réadaptation dans les programmes de maintien à domicile. Mon intérêt s’est développé en constatant qu’il y avait beaucoup de connaissances à parfaire. En effet, j’ai constaté que la pratique clinique aurait avantage à être appuyée par de nouvelles études. Après 10 ans de pratique clinique, j’ai entamé une maîtrise puis un doctorat en recherche. Ces études et mon expérience m’ont mené vers une carrière universitaire et de recherche.

Que diriez-vous à quelqu’un qui débute dans votre domaine?

Jacqueline Rousseau : Je dirais qu’il est primordial d’être passionné par ce que l’on fait,  il ne faut jamais perdre sa créativité ni freiner ses idées. Ce sont souvent les idées vues comme étant ‘’trop d’envergure’’ qui nous mènent de l’avant et font progresser les choses. Il ne faut pas se laisser décourager par le contexte économique et les problématiques du secteur de la santé. Malgré les compressions budgétaires et les changements de structures dans le secteur de la santé, il faut pousser les décideurs à encourager la recherche et à comprendre l’importance du maintien à domicile. Le Québec se positionne d’ailleurs assez bien dans le maintien à domicile de ses aînés et il est important de ne pas reculer. L’autonomie des personnes âgées est favorable à tous, et ce, même d’un point de vue économique. Il est selon moi crucial que les décisions soient prises de façon à appuyer le maintien à domicile.

Jacqueline Rousseau chez eValorix

Texte par Camille Briquet.
Propos recueillis par Félix Vaillancourt.

Yves Couturier sur l’adaptation du système de santé face au vieillissement de population

Yves Couturier sur l’adaptation du système de santé face au vieillissement de populationYves Couturier est professeur à l’École de travail social de l’Université de Sherbrooke. Il est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les pratiques professionnelles d’intégration de services en gérontologie et a un doctorat en sciences humaines appliquées de l’Université de Montréal

Expertise

Pratiques professionnelles d’intégration des services en gérontologie

À quel besoin souhaitez-vous répondre avec vos recherches?

Yves Couturier : Le Canada connaît une évolution démographique très importante, la société québécoise est actuellement l’une des plus sujettes au vieillissement de population. Ce changement démographique requiert une révision des méthodes de prestation des services de santés et de services sociaux. Ces services étaient autrefois destinés à une population, qui lorsque malade, mourrait subitement. Aujourd’hui, la réalité changeante se définit par une population qui souffre et décède majoritairement de maladies chroniques.  Ma mission est de développer de bonnes manières pour mieux organiser les services, dans un contexte d’émergence de maladies chroniques. Il s’agit d’améliorer les façons de travailler avec des personnes âgées demeurant à domicile. Le but est d’éviter, autant que possible, les CHSLD et les hôpitaux. Ces structures sont coûteuses et peuvent s’avérer dangereuses pour les aînés. Une personne âgée en CHSLD, alitée, est moins active qu’à domicile. Elle n’est pas mobilisée quotidiennement et cours le risque de développer des maladies nosocomiales, soit des maladies contractées dans un établissement de santé. Il n’est pas rare que le système de santé actuel contribue involontairement à la perte d’autonomie. Il arrive qu’une personne continente à son entrée en CHSLD devienne incontinente au bout de quelques mois. Le travail des employés n’est pas à blâmer, c’est plutôt signe que la réponse aux besoins offerte en établissement de santé n’est pas la mieux adaptée.

J’œuvre actuellement en France à la formation de gestionnaires de cas. Ces professionnels coordonnent les services dédiés aux personnes ayant des problèmes de santé complexes. Cette coordination requiert une étroite collaboration entre les infirmières, l’aide sociale, les médecins, mais aussi les proches aidants. Je travaille à suivre l’implantation de cette coordination en France et au Québec. Par ailleurs, je m’adonne à la documentation de la mise en œuvre d’un plan gouvernemental pour les maladies de type Alzheimer. Pour en retirer des leçons, je suis les répercussions de ce plan implanté depuis près de 2 ans et demi dans 19 projets pilotes au Québec. Faute de détenir une réelle solution curative à la maladie d’Alzheimer, le plan a pour mission de prendre en charge, avec le malade et ses proches, l’ensemble des effets de la maladie sur sa vie quotidienne. Ce plan Alzheimer est par ailleurs sur le point d’être étendu dans le réseau de la santé.

Quels sont les défis dans votre champ de recherche?

Yves Couturier : Le plus grand défi est la lenteur de l’évolution du système de santé. La résistance et le manque de proactivité de L’État ralentit le passage de l’idée prometteuse à la pratique concrète. Le manque de moyens, de formation et d’accompagnement mine le changement.

Comment vous êtes-vous intéressé à ce sujet?

Yves Couturier : Ma thèse de doctorat m’a permis d’être exposé à des pratiques de professionnels de la santé travaillant dans le contexte du vieillissement. Bien qu’intéressantes, ces pratiques étaient mal documentées, car la plupart des jeunes chercheurs s’intéressent peu au vieillissement. Je m’y suis alors attardé.

Que diriez-vous à quelqu’un qui débute dans votre domaine?

Yves Couturier : Il est aisé de prédire de bonnes perspectives d’emplois, car les besoins sont là. Les années à venir prédisent des besoins grandissants impliquant que plus de la moitié des jeunes professionnels de la santé travailleront pour cette clientèle vieillissante. D’autre part, cette clientèle complexe offre des défis cliniques plus importants et représente de vrais défis scientifiques et professionnels. Les problèmes sont complexes, car ils relèvent souvent de plusieurs conditions qui interagissent. Cette complexité et cette multiplicité des dimensions, selon moi, devraient être source d’intéressement pour de futurs professionnels de la santé.

Yves Couturier chez eValorix

Texte par Fanny Vadnais
Propos recueillis par Félix Vaillancourt