Le regroupement Abitibi Ouest, au service des proches aidants

Voici notre quatrième entrevue de la série d’articles dressant le portrait d’organisations qui œuvrent à mieux accompagner les proches aidants (relire la troisième entrevue). Notre équipe a eu le plaisir d’échanger avec le regroupement des proches aidants Abitibi-Ouest, afin d’en apprendre un peu plus sur leurs activités et les différents défis qu’ils rencontrent au quotidien. Venez découvrir leur témoignage et vous plonger dans leur quotidien !

Améliorer le quotidien des proches aidants de la région d’Abitibi

Le regroupement des proches aidants d’Abitibi-Ouest a été créé en 2010 avec un but précis : accompagner les proches aidants tout au long de leur parcours en améliorant leur qualité de vie. Quel que soit le type d’incapacité de la personne aidée, l’organisme vient en aide à ses proches afin de les aider à trouver un équilibre de vie satisfaisant. Les intervenants n’ont pas peur de se déplacer, et offrent leur service dans tout le secteur d’Abitibi-Ouest : peu importe s’il faut faire de la route ! Les différentes activités de l’organisme ainsi véhiculées à travers la région permettent ainsi de briser l’isolement des proches aidants et de leur apporter le soutien dont ils ont besoin.

« Les gens sont nombreux à vivre avec la maladie, voilà pourquoi on offre des ateliers, des conférences, des interventions individuelles ou de groupe. Tout cela, c’est pour permettre aux proches aidants de bénéficier d’une assistance afin d’éviter l’épuisement. Lors des rencontres, on va parler de différents sujets, cela permet également de briser l’isolement. Souvent, les aidants restent à la maison, ça leur prend beaucoup de temps, ils ne sortent donc pas beaucoup, ils ne voient quasiment personne, donc nos interventions permettent aussi de briser l’isolement. »

Des activités adaptées pour une assistance toujours plus personnalisée

Le regroupement offre de nombreuses activités de groupe basées sur le soutien, l’entraide et le partage. Les activités traitent de différents sujets : parmi les principaux, on compte le respect de ses limites personnelles, la gestion du stress, l’anxiété au quotidien, ou encore l’évitement de l’épuisement. Les intervenants informent les proches aidants sur les ressources à leur disposition, leur donnent des pistes pour mieux communiquer avec leur aidé, et les rassurent également sur leur potentiel sentiment de culpabilité. Certains ateliers informatifs sont aussi mis en place, avec pour but de présenter une maladie particulière, ou même l’organisme en tant que tel. Des interventions plus personnelles peuvent également avoir lieu de manière physique (à domicile et au travail) comme téléphonique. Enfin, l’organisme collabore également avec un autre organisme, la Maison Saint-André, afin de proposer un service de répit accompagnement. Ainsi, un intervenant peut venir prendre le relai dans l’assistance du malade durant 3 heures par semaine, tandis que le proche aidant peut alors prendre du temps pour lui.

« Toutes nos interventions, qu’elles soient sous forme individuelle, collective, ou même sous forme d’atelier, sont ouvertes à tous. Elles sont faites pour que les proches aidants trouvent leurs limites et se sentent accompagnés dans leurs démarches. Les interventions de groupe, c’est un peu comme un groupe de soutien, c’est ouvert au dialogue, les gens sont à l’aise. On se rencontre 5 fois par année, et les interventions sont gratuites. »

Un défi de visibilité et un financement parfois limité

En tant qu’organisme communautaire, le regroupement des proches aidants d’Abitibi-Ouest a toujours été confronté à un défi majeur : la recherche de financement. À chaque nouveau projet d’atelier ou d’activité, le besoin d’argent se fait ressentir : une réalité à laquelle il peut parfois être pénible de faire face. De plus, une autre difficulté se présente lorsqu’il s’agit de rejoindre les différents proches aidants. En effet, en Abitibi, les municipalités sont éloignées les unes des autres, ce qui rend difficile le fait de se faire connaître et de se montrer accessible. Alors, l’organisme vise sur une visibilité maximisée : publication de ses activités dans le journal, sur les panneaux électroniques des villes, envoie de publicité partout où cela est possible… le regroupement envoie également les actualités sur ses activités à venir à ses 56 membres afin que ces derniers ne manquent rien des interventions futures.

« On se sert de notre équipe de membres, on fait le plus possible de publicité pour notre organisme afin d’avoir de la visibilité. En plus de cela, on essaie de participer à différents colloques et salons pour se faire connaître. On va représenter notre organisme avec nos kiosques dès qu’on en a la possibilité. On monte des kiosques d’information, on parle avec les visiteurs, on essaie de participer le plus possible aux activités du milieu médical et des proches aidants. Nous travaillons en partenariat avec le CISSSAT, le GMF et autres organismes communautaires.»

Des outils participatifs pour laisser les proches aidants s’exprimer

Afin de donner une ligne directrice à ses différents ateliers, le regroupement Abitibi-Ouest a fait l’acquisition de deux des outils développés par la Chaire de recherche en soins infirmiers : ESPA et « Devenir aidant, ça s’apprend ». Si l’acquisition d’ESPA est récente et que l’outil n’a pas encore eu le temps d’être totalement exploité, « Devenir aidant » a quant à lui fait ses preuves. Les intervenants apprécient sa forme d’atelier, adaptée aux formats d’interventions proposés par le regroupement, ainsi que la clarté des explications proposées. Il est ainsi facile pour l’organisme de monter ses ateliers autour de l’outil scientifique tout en conservant l’ambiance de chaleur et de partage qui leur est chère. L’outil ESPA (Entente sur le Soutien aux Proches Aidants), quant à lui, est en cours d’analyse pas l’équipe afin de l’intégrer du mieux possible au sein des activités.

« Dans « Devenir aidant, ça s’apprend, il y a beaucoup d’échanges et de questions à poser, donc c’est vraiment intéressant. Quand je regarde notre organisme et ce à quoi ressemblent nos interventions, je vois l’outil comme un guide, parce que nos participants parlent beaucoup. Ça partage énormément c’est très enrichissant, quand tu poses une question, tout le monde à quelque chose à dire, c’est là que les ateliers deviennent super intéressants. « Devenir aidant » nous aide à garder le fil de la rencontre. »

 

Nous remercions sincèrement le regroupement des proches aidants d’Abitibi-Ouest d’avoir accepté de répondre à nos questions et leur souhaitons bonne continuation.

Plus d’informations

Pour plus d’informations sur le regroupement Abitibi-Ouest : https://www.facebook.com/Regroupement-des-proches-aidants-dAbitibi-Ouest-1537014313265113/

 

Texte par Camille Briquet
Propos recueillis par Nicolas Pinget

proches aidants

Les proches aidants en milieu rural : le défi quotidien d’Emmanuelle Merveille

Voici notre troisième entrevue de la série d’articles dressant le portrait d’organisations qui œuvrent à mieux accompagner les proches aidants (relire la seconde entrevue). Nous avons eu le plaisir de discuter avec Emmanuelle Merveille, membre de la Plateforme des Aidants de Charente, qui nous a confié les secrets de la réussite de son organisme. Découvrez les activités et les défis de la plateforme ! Les citations sont celles d’Emmanuelle Merveille.

Une prise de conscience quant aux besoins des proches aidants

Tout a commencé en 2005, lorsque le gouvernement français a décidé de créer la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA). Cette dernière est notamment chargée depuis 2006 de participer au financement de l’aide à l’autonomie des personnes âgées, des personnes en situation de handicap et de l’aide aux aidants. Grâce aux plans gouvernementaux et à l’organisation des financements sont nées les plateformes d’accompagnement et de répit des aidants en 2008. Le cahier des charges de ces plateformes est intégré au plan des maladies Alzheimer et maladies apparentées 2008 -2012 et est repris dans le plan des maladies neurodégénératives 2014 -2019. Lorsque vint le tour du département de la Charente de répondre à l’appel à projets d’installation d’une plateforme d’accompagnement et de répit des aidants sur le territoire, trois hôpitaux ont participé à l’écriture du dossier pour proposer un dispositif qui couvrirait le sud et l’ouest de la Charente. C’est dans ce cadre qu’Emmanuelle Merveille a rejoint le centre hospitalier de Châteauneuf, en 2015, et c’est ainsi qu’est née la première plateforme de soutien aux proches aidants de Charente. Aujourd’hui, le nombre de proches aidants en France est estimé à plus de 8 millions de Français. Pour faire face à cette demande grandissante, Emmanuelle Merveille doit se documenter constamment pour répondre du mieux possible aux besoins des proches-aidants de sa région. Selon les régions, les territoires, les axes de travail sont différents : il faut s’adapter, lire, se coordonner avec les acteurs locaux et s’intégrer dans la culture partenariale afin de travailler efficacement.

« La culture du soutien aux aidants, ce n’est pas si ancien que ça. Il y a une eu prise de conscience dans les années 2000. L’association France Alzheimer a beaucoup contribué à la cause des proches aidants, parce que la maladie d’Alzheimer a un impact inéluctable sur les familles. C’est donc  grâce à eux et d’autres associations que les regards ont commencé à changer. Quand je suis arrivée à mon poste, l’objectif était de mettre en place notre plateforme. Je me suis beaucoup documentée afin de façonner le projet et essayer d’avoir le dispositif le plus adapté aux proches aidants. Chaque dispositif de soutien aux aidants expérimente localement, il y a donc des disparités. Chacun fait chacun du mieux qu’il peut en fonction de son territoire ».

Des activités sur mesure pour un accompagnement optimal

La ruralité du territoire charentais est bien réelle ; la plateforme des aidants doit donc s’y adapter. Les proches aidants n’aimant pas venir chercher de l’aide, la plateforme des aidants rencontre des personnes qui ont souvent déjà un long vécu d’aidant. Cela transforme alors le but de la plateforme charentaise, qui est au départ préventif, en un but curatif. Les proches aidants déjà affaiblis par la maladie de leur proche bénéficient alors d’un soutien individuel personnalisé, entrecoupé de quelques actions collectives coconstruites avec les partenaires.

Lors du processus, des rencontres dites « entre-aidants » sont mises en place. Temps collectifs conviviaux, ces dernières servent à aborder certains thèmes particuliers, informer les aidants et les rassurer. La plateforme organise également des ateliers « Un temps pour soi », lors desquels une auxiliaire médico-psychologique et ex-esthéticienne rend visite aux aidants afin de leur offrir une mise en beauté et de leur rehausser leur estime de soi. Lorsque le proche aidant a besoin de s’absenter pour une raison quelconque, la plateforme des aidants est également là et propose des services de relai à domicile. Parfois même sont organisés avec l’association française des aidants des formations spéciales, ainsi qu’un programme psychoéducatif d’accompagnement.

« On est vraiment dans une démarche au cas par cas. On n’a pas copié-collé des actions d’une personne à l’autre, c’est-à-dire qu’on part vraiment du public qu’on aide et accompagne. On démarre de là où il y a un besoin et on propose le soutien qui convient le mieux. On ne se dit pas « on va faire une journée randonnée » comme ça sans raison, mais si on croise quelques aidants qui nous font ressentir que ça leur ferait du bien, on peut le mettre en place. On garde donc une grande souplesse dans l’établissement de nos actions. On construit nos actions en fonction du public que l’on accompagne. »

La plateforme des aidants face aux défis des milieux ruraux

Le défi de la plateforme des aidants est de proposer un appui individuel et collectif afin de permettre une meilleure qualité de vie au quotidien pour les aidants. Seules, les mesures de répit ne suffisent pas à prévenir l’épuisement et la souffrance des proches aidants : il a donc fallu adapter la procédure au fil du temps. Un autre défi rencontré est de faire face à la ruralité du milieu, et d’arriver à briser les barrières entre les proches aidants et les solutions de soutien qui sont à leur disposition. Les gens sont de nature pudique, et ont tendance à garder leurs problèmes pour eux. Ils ne sont pas dans une démarche de demande d’aide et s’isolent facilement. Il n’est donc parfois pas évident de rentrer en contact avec eux.

« Lorsqu’un proche aidant rencontre des partenaires, parfois il exprime ses difficultés. Le partenaire qui est à l’écoute et qui fait preuve d’empathie, reconnaît la complexité de la situation et contribue à apporter de l’apaisement. Si par la suite le partenaire donne les coordonnées de la plateforme des aidants pour s’assurer que la personne puisse avoir un soutien par notre dispositif, en général les personnes ne nous appellent pas. En effet, soulagé par la rencontre, en rentrant chez lui, il se dit alors que la situation pourrait être pire, qu’il y repensera plus tard, et il ne nous contacte finalement jamais. C’est pour cela qu’avec nos partenaires,  on recommande de demander l’autorisation à la personne de nous transmettre ses coordonnées, et par la suite nous faisons le pas vers eux, s’appuyant sur le lien de confiance établi avec notre partenaire.  En fonctionnant ainsi les aidants acceptent bien volontiers de nous rencontrer.

Des outils qui coïncident avec la vision de la plateforme charentaise

Pour accompagner ses démarches, Emmanuelle Merveille s’aide d’ESPA, une trousse provenant de la Chaire Desjardins en Soins Infirmiers. Les différents outils proposés ont remplacé les solutions classiques « d’état des lieux » de la situation, souvent trop négatives par rapport à la vision de la plateforme des aidants. Grâce à cela, Emmanuelle est en mesure de proposer aux proches aidants des solutions construites sur mesure, adaptées à leur situation. Les outils tels que « Devenir aidant, ça s’apprend » et « Gestion du stress » lui ont permis d’asseoir un fonctionnement, des mécanismes, une démarche et une philosophie cohérente et efficace, ce qui a grandement facilité sa mission au cours de ces dernières années. L’association de ces outils positifs et des compétences de l’équipe de la plateforme donne aux proches aidants la possibilité de construire eux-mêmes la solution qui leur convient grâce à une assistance optimale. 150 personnes ont ainsi été aidées par la plateforme depuis l’année 2015.

« Je trouvais mes anciens outils bien trop négatifs, je voulais aller dans une direction plus optimiste, plus ensoleillée. L’ESPA m’a donc énormément aidé ! L’idée de la coconstruction, de ne pas imposer ses solutions et d’être vraiment dans la coopération avec le proche aidant, ça nous a donné quelque part une colonne vertébrale solide, basée sur des principes auxquels j’adhère et que je défends. Avec l’ESPA et vos outils, j’ai atteint une crédibilité solide auprès des partenaires qui m’ont vu arriver et qui ne me connaissaient pas forcément avant. »

 

Nous remercions la Plateforme des Aidants de Charente et Emmanuelle Merveille d’avoir répondu à nos questions et de nous avoir permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’organisme. Nous souhaitons longue vie et belle réussite à la plateforme des aidants.

 

Plus d’informations

Pour plus d’informations sur la Plateforme des Aidants : http://www.chateauneufsurcharente.fr/70-seniors-sante/centre-hospitalier/333-centre-hospitalier-plateforme-des-aidants

Texte par Camille Briquet
Propos recueillis par Nicolas Pinget

L’assistance aux proches aidants des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer : entrevue avec Luc Armand, fondateur de Soutien Alzheimer

Voici notre deuxième entrevue de la série d’articles dressant le portrait d’organisations qui œuvrent à mieux accompagner les proches aidants (voir la première entrevue). Nous avons eu la chance d’échanger avec Luc Armand, fondateur de l’organisme Soutien Alzheimer. Voici son témoignage où vous découvrirez ses activités et leurs impacts sur la vie des proches aidants. Les citations sont celles de Luc Armand.

Apporter de l’assistance aux proches aidants souvent désemparés face à la maladie d’Alzheimer

Fort de ses 40 ans d’expérience en relation d’aide, Luc Armand a créé Soutien Alzheimer il y a 7 ans dans un but précis : celui d’apporter une assistance rapide, complète et efficace aux proches aidants souvent désœuvrés face aux changements d’attitudes et de comportements qu’entraîne la maladie d’Alzheimer. Dès l’apparition des premiers troubles neurocognitifs, l’entourage du parent ou du conjoint atteint prend le rôle un proche aidant. Parfois, ils endossent ce rôle naturellement, mais d’autre fois, ce dernier leur est imposé. Dans la plupart des cas, ce nouveau rôle comporte son lot de défis afin d’accompagner du mieux possible la personne atteinte. Cette situation est souvent subite par le proche aidant, difficile à appréhender et qui confronte à l’inconnu. Le service de «coaching familial» se traduit par un accompagnement complet de l’annonce de la maladie jusqu’aux périodes les plus critiques.

« Soutien Alzheimer s’adresse majoritairement aux proches aidants, ce sont évidemment des membres de familles, frères, sœurs, conjoints, amis qui ont dans leur entourage des personnes atteintes de troubles neurocognitifs, majoritairement de la maladie d’Alzheimer. Ce sont des gens qui lorsqu’ils appellent, sont complètement désœuvrés. Ils ne savent plus quoi faire et en connaissent très peu sur la maladie. Ils se posent la question : ‘’qu’est-ce que je fais ?’’. La personne (atteinte) n’agit plus de la façon habituelle dans la vie quotidienne, se comporte différemment avec les gens et a une parole parfois désobligeante. Ils veulent tous comprendre la maladie et savoir comment agir pour aider la personne. »

Former et rassurer les proches aidants à travers des activités collectives ou personnalisées

Afin de partager son expertise et d’accompagner les proches aidants, Luc Armand via Soutien Alzheimer propose plusieurs activités dans toute la région du grand Montréal. Du soutien individualisé avec les familles, coaching familial, aux formations sur-mesure auprès du personnel de résidences, en passant par des conférences, Luc Armand met l’humain à l’avant plan dans ces activités. Quel que soit le public cible, l’objectif est toujours le même : amener les proches aidants à mieux connaître la maladie, à améliorer leur communication avec les personnes atteintes et à mieux négocier avec leurs comportements déplaisants.

Lors de notre échange, nous nous sommes attardés sur notre compréhension de l’approche personnalisée avec les familles. Nous en avons appris davantage sur les défis situés en début de parcours auxquels sont confrontés les proches aidants qu’accompagne Soutien Alzheimer depuis plusieurs années. Poussés par leur grand cœur et leur envie de bien faire, les proches aidants surpassent ou sont en voie de surpasser leurs propres limites. Il est alors crucial à ce moment-là de leur rappeler l’importance de prendre soin de soi afin d’aider les autres à se sentir mieux : aider une personne malade sans tomber malade. Concernant les familles, ce sont généralement les enfants des personnes atteintes qui contactent Soutien Alzheimer. Le premier contact se fait par un entretien téléphonique. Par la suite, une rencontre peut se dérouler en regroupant les gens d’une même famille. En général, de 2 à 5 personnes se retrouvent autour de la table et en l’absence de la personne atteinte. Cette façon permet ainsi de réunir les conditions propices à la personnalisation de la rencontre et à une liberté d’expression optimale, sans peur de blesser la personne malade.

« Je vais avoir différentes approches selon le type d’activités. Pour les familles, les rencontres vont regrouper tous ceux qui ont à cœur la personne et qui veulent aider. La première rencontre peut avoir lieu chez l’un des proches aidants ou à mon bureau. Comme les gens méconnaissent la maladie, parfois lorsqu’ils expriment leurs préoccupations et leur tristesse, la personne atteinte ne comprend pas. Elle adopte alors des comportements qui nécessitent une intervention ce qui brise le rythme de la rencontre. Au final, les gens s’empêchent d’exprimer leurs pensées réelles. Désormais, je ne fais plus de rencontre avec la personne atteinte. Par la suite, je peux me déplacer au domicile, rencontrer la personne atteinte et enseigner, en même temps, aux proches aidants, des façons de communiquer et d’agir pour entretenir la relation avec elle. C’est une approche très personnalisée avec la famille. Par ailleurs, les ateliers que j’anime avec la Société d’Alzheimer de Montréal ne sont pas personnalisés étant un groupe de proches aidants. L’approche est totalement différente, mais le but final reste le même ».

Faire évoluer les mentalités et aider les familles à mieux comprendre les personnes atteintes d’Alzheimer

Nous avons été émus par l’histoire de Luc Armand. En effet, plusieurs membres de sa famille ont été touchés par l’Alzheimer. À ce moment-là, il s’est intéressé à la maladie et est allé chercher de l’aide à la Société d’Alzheimer pour ensuite en devenir l’un des formateurs. Il a alors pu constater les nombreuses répercussions de la maladie d’Alzheimer que doivent affronter les familles. Par Soutien Alzheimer, il transmet ses connaissances. Pour lui, le plus grand défi est de faire évoluer les mentalités et d’amener les proches aidants à mieux comprendre les malades. Il cherche également à préparer les familles à la prise de décision la plus bienveillante malgré l’opposition de la personne atteinte.
Lors de notre discussion, il nous a dévoilé qu’environ 50% des appels reçus se concrétisaient par une première rencontre, illustrant ainsi un véritable besoin dans la société. En tout, c’est une vingtaine de familles que ce service accompagne chaque année. L’intervenant met un point d’honneur à impliquer l’ensemble des générations de la famille notamment les enfants dans le processus d’accompagnement et leur réseau élargi. Ainsi, cela permet de faire évoluer les mentalités, de mieux comprendre les changements de comportements et les pratiques à adopter.

« Je suis peut-être un expert de l’Alzheimer, mais les experts de la personne, ce sont les familles. Comme je dis toujours, j’ai des propositions de solutions, mais ce sont les vôtres qui sont importantes. Moi, je les implique beaucoup dans les actions à poser, pas juste en parole. Au retour à la maison, vous pourrez en discuter ensemble. J’insiste beaucoup pour que les enfants et les petits enfants soient impliqués dans le processus. Parfois, les petits enfants sont rendus à 16 ans et ont besoin aussi de comprendre pourquoi grand-papa n’agit pas de la même façon, pourquoi des fois il crie après eux et après il vient leur prendre la main. Les enfants, parfois, ne savent pas trop pourquoi. C’est un travail passionnant, surtout lorsque je vois les familles qui vivent mieux la maladie au fil des mois ».

« Devenir aidant, ça s’apprend », un programme au cœur du processus d’accompagnement de Soutien Alzheimer

Afin d’accompagner au mieux les proches aidants, Soutien Alzheimer s’appuie sur le programme « Devenir aidant, ça s’apprend » développé par la Chaire de recherche en soins infirmiers à la personne âgée et à la famille. Cet outil, souvent introduit au cours de la deuxième ou troisième séance, offre à Luc Armand un cadre structurant sa démarche et ses prochaines actions. Il permet, une fois passée la période d’acceptation du proche, de démarrer progressivement chaque plan d’intervention.

« Plusieurs aspects de ces documents m’ont aidé à m’assurer que j’étais sur la bonne voie et de m’affirmer dans mes actes. Évidemment, tout dépend de l’utilisation que nous en faisons. Personnellement, je priorise l’écoute et le côté humain. Ces documents m’aident énormément. Le programme est un guide vraiment efficace qui me permet de cerner plus rapidement les besoins du groupe et de l’amener à être actif. Je partage complètement la vision de ce guide, on dirait vraiment qu’il a été écrit pour moi ! ».

 

Nous remercions Luc Armand pour le portrait qu’il nous a dressé de cet organisme qui œuvre depuis plusieurs années sur le territoire du Grand Montréal. Nous lui souhaitons également bonne chance dans la suite de ses projets.

 

Plus d’informations

Pour plus d’informations sur Soutien Alzheimer, découvrez leur site internet ici : http://www.soutienalzheimer.com/

 

Texte par Camille Briquet
Propos recueillis par Nicolas Pinget

soutien-alzheimer

Changer la vie des proches aidants, prévenir l’épuisement et briser l’isolement dans la Vallée-de-la-Batiscan : entrevue avec Josée Gélinas

Résultat d’une entrevue avec Josée Gélinas, directrice de l’Association des Personnes Aidantes de la Vallée-de-la-Batiscan, cet article est le premier d’une série visant à dresser le portrait d’organisations qui travaillent sans relâche à mieux accompagner les proches aidants. Les citations dans cet article sont celles de Josée Gélinas.

Un défi : celui de rejoindre les proches aidants avant la situation d’épuisement!

Depuis 2003, l’Association des Personnes Aidantes de la Vallée-de-la-Bastican (APAVB) œuvre à briser l’isolement des proches aidants dans la région en offrant du soutien, de l’information et de la formation. Initialement actif sur le territoire de Mékinac, l’organisme a étendu ses activités à la MRC des Cheneaux, couvrant ainsi la totalité du territoire de la Vallée-de-la-Batiscan comme en témoignent les 343 membres que l’association dessert. L’un des plus grands défis de l’organisme est de rejoindre ces proches aidants avant qu’ils ne soient en situation d’épuisement.

« Souvent et surtout en début de parcours, les aidants priorisent davantage les besoins de la personne aidée au détriment de leurs propres besoins. Ils se retrouvent alors parfois eux-mêmes en situation d’épuisement, au bord de l’hospitalisation et se voient alors obligés de placer la personne en institution. Notre défi est de rejoindre les proches aidants sur le marché du travail et de les rejoindre avant qu’ils ne soient épuisés ».

Prévenir l’épuisement avec une panoplie d’activités afin de briser l’isolement et d’offrir un peu de répit pour les proches aidants

Afin de prévenir ce genre de situation, l’APAVB organise des conférences, des ateliers mis sur pied par des intervenants multidisciplinaires (éducateurs spécialisés, travailleurs sociaux, psychoéducateurs, etc.) et d’autres activités dans la région. Plusieurs d’entre elles ont particulièrement retenu notre attention. C’est notamment le cas d’Aider sans s’épuiser, un atelier de discussion dans lequel les proches aidants échangent sur la culpabilité qu’ils peuvent ressentir face aux exigences et aux responsabilités imposées par leur rôle d’aidant. L’activité Café-Rencontre quant à elle permet d’aborder des thématiques spécifiques au rôle d’aidant avec un invité. Nous avons été amusés d’apprendre l’existence des Café-Jasettes, activités au cours desquelles l’équipe de l’APAVB se déplace dans les diverses municipalités de la Vallée afin de favoriser la discussion entre aidants autour d’une crème glacée ou d’un bon café. Enfin, du soutien individuel est également offert afin de répondre aux besoins de certains proches aidants moins à l’aise de partager leur expérience en public. Le mariage de ces activités semble être un bon remède à l’isolement et à l’épuisement des proches aidants.

En plus des activités mentionnées, l’APAVB offre également du temps de répit aux proches aidants par le biais de plusieurs projets appuyés par des partenaires financiers. Par exemple, le projet financé par l’Appui Mauricie, À l’écoute de nos besoins a permis de financer 24h de répit au coût de 3$ l’heure, et ce pour 50 proches aidants d’aînés. Ce projet qui s’échelonne sur une période de 3 ans et permet également à l’association d’offrir annuellement 4 journées de ressourcement où plusieurs sujets préalablement ciblés par un comité de proches aidants sont abordés.

Le projet Détente entre Bonnes Mains, financé par la Fondation de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, permet quant à lui d’offrir 20h de répit gratuit aux proches aidants de personnes de tous les âges.

« Nos activités sont très variées et passent de l’organisation d’une cabane à sucre à de l’aide pour remplir des formulaires de crédits d’impôt. Pour les Café-Jasettes par exemple, ce sont des rencontres assez informelles. C’est plutôt un échange et un retour sur expériences entre proches aidants vivant des situations et des problématiques similaires ».

Proposer des ressources et utiliser des programmes développés par des chercheurs afin de changer la vie des proches aidants

Au-delà des activités proposées, l’APAVB met à disposition des ressources et de l’information afin d’aider les aidants. Via son centre de documentation, l’association prête des DVD, livres et autres documentations sur le sujet. L’organisme diffuse également plusieurs informations (programmation d’activités, suggestions de livres, annonces de nouveaux projets, etc.) dans l’Écho-Aidant, son journal mensuel. Enfin, plusieurs chroniques/sondages thématiques sont publiées sur le site web de l’association et sur ses médias sociaux (ex. : prévenir l’épuisement pour aider efficacement).
Afin de mieux accompagner les proches aidants, l’APAVB utilise aussi des ressources provenant de la recherche universitaire. C’est notamment le cas des programmes Devenir aidant ça s’apprend, Gestion du stress et Prendre soin de moi développés par la Chaire Desjardins en soins infirmiers à la personne âgée et à la famille (sous la direction de Francine Ducharme). Parmi ces 3 outils, le programme Gestion du stress, permettant d’identifier des stresseurs et de travailler sur ces derniers, semble être le plus apprécié des proches aidants accompagnés à l’heure actuelle.

« Les différents programmes sont très intéressants. Ils donnent une uniformité et une certaine structure à mes intervenants qui n’ont pas tout le temps la même formation. En même temps, les aidants apprécient beaucoup les programmes, surtout le programme Gestion du stress. C’est celui que nous avons le plus animé et ceux qui y ont participé disent que ça a changé leur vie du tout au tout, car c’est très centré sur leurs besoins personnels. Ils ne voient pas tout le temps le global d’une situation. Un peu comme l’expression l’éléphant ça se mange, si on le coupe en tranches. C’est un peu la même idée. Quand on les rencontre, ça permet de focaliser sur ce qu’on a à faire et d’avoir un plan en commençant à travailler sur un stresseur en particulier. Quand le proche a travaillé sur un stresseur, il est ensuite capable de l’appliquer ailleurs dans d’autres sphères de sa vie».

Nous remercions Josée Gélinas pour cette belle découverte et lui souhaitons bonne chance dans la réussite de l’Association des personnes aidantes de la Vallée-de-la-Batiscan!

Plus d’informations
Pour plus d’information sur l’Association des Personnes Aidantes de la Vallée-de-la-Batiscan, découvrez leur site internet ici : http://www.aidantsvalleebatiscan.org/

Texte par Fanny Vadnais et Nicolas Pinget

Propos recueillis par Nicolas Pinget

Louise Demers et la gérontechnologie

Louise Demers est professeure titulaire à l’École de réadaptation de l’Université de Montréal. Elle est également directrice de l’École de réadaptation de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Vice-doyenne associée aux sciences de la santé et chercheure au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.

Expertises : Gérontologie, proches aidants, mesure et évaluation, participation sociale des personnes âgées vivant dans la communauté

La mission d’eValorix est de diffuser les outils numériques issus de la recherche publique. Cette entrevue fait partie de la série d’entrevues avec les femmes et les hommes derrière cette recherche. Les articles tirés de nos conversations informelles paraîtront sous cette rubrique toutes les deux semaines. Inscrivez-vous à l’infolettre afin de rester au courant!

eValorix : À quel besoin souhaitez-vous répondre avec votre recherche?

Louise Demers : « Je cherche à optimiser les services aux personnes âgées qui restent à domicile à travers la technologie. Un élément important pour moi, c’est de considérer les besoins des proches aidants dans la recherche de solutions. En fait, je suis particulièrement intéressée par tout ce qui concerne l’utilisation et le développement des aides techniques utilisées ou destinées aux personnes âgées. On réfère ici à la gérontechnologie, qui est un domaine assez large, allant des aides techniques simples comme les barres d’appui à des appareils plus complexes comme des fauteuils roulants motorisés. Je m’intéresse à de nouvelles technologies comme les piluliers électroniques et les fauteuils roulants motorisés intelligents. Je travaille à évaluer les impacts des technologies existantes et au développement de nouvelles technologies  pour les personnes âgées qui ont des déficiences, principalement d’ordre physique. Dans quelle mesure ces technologies ont-elles un impact réel pour réduire le fardeau d’aide des proches-aidants? De fait, chercher à augmenter l’autonomie d’une personne âgée sous-tend qu’on diminue l’aide requise de la part d’autres personnes. Depuis un certain temps, je cible mes recherches sur l’évaluation des impacts de la technologie pour ceux qui donnent de l’aide humaine, en espérant que l’aide technique puisse remplacer l’aide humaine finalement. »

eValorix : Quels sont les défis dans votre champ de recherche?

Louise Demers : « D’un point de vue clinique, passer du développement technologique à une appropriation et à une utilisation sur le terrain, c’est énorme! Il faut réussir à mesurer des effets qui soient réels et concrets. Il y a tout le financement de la dispensation des aides techniques à considérer. Il y a aussi les changements de pratique des cliniciens. Bref, il y a beaucoup de défis.

Pour la recherche, c’est un défi d’étudier les populations âgées fragiles et leurs proches aidants. Il n’est pas facile de recruter des participants, notamment parce que les proches aidants vivent une surcharge. Il y a beaucoup d’attrition dans ce type d’étude, d’autant plus que les conditions de santé des personnes les plus âgées tendent à se détériorer…. Les études longitudinales sont problématiques.

eValorix : Comment vous êtes-vous intéressée à ce sujet?

Louise Demers : « Alors que j’étais ergothérapeute clinicienne, je  me posais des questions sur les impacts de ce que l’on fait en réadaptation. Dans quelle mesure est-ce que, au congé des centres de réadaptation, les aides techniques attribuées sont utiles aux personnes qui les reçoivent? Mon intérêt pour la recherche est vraiment parti de cette question. Je me suis engagée dans des études de doctorat et mes recherche se sont orientées dans ce secteur. »

eValorix : Que diriez-vous à quelqu’un qui débute dans votre domaine?

Louise Demers : « Je crois que c’est vraiment important d’être centrée sur le pourquoi de nos recherches. Il faut s’attacher à des problématiques dont les solutions peuvent répondre à des besoins de la société. Dans le contexte présent, il faut vraiment savoir pourquoi on fait ce travail. Il faut être proche des utilisateurs de la recherche. Il ne faut pas se disperser non plus. Je suggère aux jeunes chercheurs de se tailler une niche dans un secteur qui leur appartient et se l’approprier, et ne pas nécessairement embarquer dans tous les projets disponibles. Même en travaillant en équipe, un  chercheur doit être identifié à une thématique. Un jeune chercheur qui accepte d’aller dans trop de différents projets risque de se sentir débordé. Il faut se doter d’un plan, avoir une programmation et une stratégie pour ne pas se laisser submerger. Il faut également aimer ce que l’on fait, parce qu’il y a beaucoup de frustration à la vie de chercheur, notamment avec le financement qui est difficile. Il faut apprendre à se valoriser au-delà de la reconnaissance associée à l’obtention de subvention. »

Louise Demers chez eValorix

Texte par Kassandra Martel
Propos recueillis par Félix Vaillancourt