Catherine Turcotte et la compréhension en lecture

Catherine Turcotte et la compréhension en lectureCatherine Turcotte est professeure au département d’éducation et formation spécialisées de l’Université de Québec à Montréal (UQAM). Elle est également membre de l’équipe de recherche ADEL : apprenants en difficulté et littératie.

Expertises

Enseignement et apprentissage de la lecture, Difficultés d’apprentissage de la lecture, Orthopédagogie, Compréhension écrite.

À quel besoin souhaitez-vous répondre avec votre recherche?

Catherine Turcotte : Le grand thème serait la compréhension en lecture. Tous mes travaux se rattachent de près ou de loin à ce sujet, puisque la compréhension en lecture c’est multidimensionnel.

Ce qui m’intéresse ce sont les élèves qu’on dit à risque d’éprouver des difficultés et ceux qui éprouvent déjà des difficultés, ce qui peut représenter plusieurs types d’élèves. Par exemple, tous les élèves des milieux défavorisés ne sont pas à risque d’échouer, mais certains présentent des facteurs de risques reconnus. Si la langue maternelle parlée à la maison n’est pas la même qu’à l’école, c’est un autre facteur de risque. D’autres élèves ont par exemple une déficience intellectuelle légère. Certains autres enfants ont des difficultés particulières à traiter la lecture et l’écriture. J’ai une grande sensibilité auprès des élèves qui ont plus de difficultés que la moyenne.

Quels sont les défis dans votre champ de recherche?

Catherine Turcotte : Les défis dans mon champ de recherche se rattachent  beaucoup à l’évaluation en compréhension de l’écrit. L’évaluation ça existe : on évalue souvent les élèves. Mais il n’existe pas encore des évaluations adéquates pour comprendre ce que les enfants sont capables de faire au lieu de juste leur donner un résultat global. C’est assez complexe quand on veut comprendre leurs difficultés et comprendre où il faut aller les chercher pour qu’ils surpassent leurs difficultés.

Souvent, on a une très bonne idée des limites des enfants, mais on n’a pas une bonne connaissance de ce qu’ils arrivent à faire et de ce qu’ils ont comme potentiel.

On ne sait donc pas comment les aider. On a de super belles évaluations standardisées qui nous disent qu’un élève montre des performances « deux ans plus jeune » que tous les autres élèves de sa classe, par exemple. Mais qu’est-ce qu’on fait maintenant avec ça? Ça ne nous indique pas comment intervenir pour qu’il arrive à rattraper les autres élèves. Ça nous donne un score par rapport à une norme. Je veux contribuer à outiller les enseignants.

Par exemple, avec mes travaux sur le vocabulaire dans le cadre de l’équipe  ADEL (Apprenants en difficulté et littératie), on a essayé d’évaluer le vocabulaire des enfants avec d’autres instruments. Pas juste avec des listes ou des questions comme « pointe-moi c’est quoi, dans les quatre images suivantes, un ballon ». Dans nos séances, on essayait de faire parler les élèves, en les notant autrement, en fonction des mots qu’ils expriment et des liens entre ces mots.

Dans un autre guide pédagogique qu’on va soumettre bientôt à eValorix, on parlera des activités qu’on peut faire en classe, mais aussi de nouvelles épreuves qu’on peut utiliser pour déterminer plus spécifiquement quels sont les problèmes de compréhension en lecture des élèves. Souvent, on dit d’un élève « qu’il ne comprend pas » ses textes. Mais quoi exactement, quel type de questions ne comprend-t’ il pas? On est plus dans cette précision-là.

Comment vous êtes-vous intéressé à ce sujet?

Catherine Turcotte : J’ai fait une formation initiale en enseignement au primaire. Je m’étais destinée à devenir une enseignante au primaire, mais dès que je suis sortie de l’université, je me suis rendu compte que ce qui me préoccupait le plus dans une classe, c’était les élèves qui ne lisaient pas bien. J’ai donc fait une maîtrise. À l’époque, il y avait une professeure à l’Université Laval qui était spécialisée dans le domaine. Elle était reconnue partout. C’est donc avec elle que j’ai fait ma maîtrise. À partir de là, peut-être naïvement, je pensais que ça répondrait à mes questions. Ça été le contraire, ça en a généré beaucoup plus! Alors, je suis allée faire une thèse de doctorat pour réaliser un moment donné que je n’aurais jamais toutes les réponses. Il fallait juste que j’essaie de répondre à quelques questions et que si je réussissais à contribuer un petit peu à ce champ-là, je serais contente.

Que diriez-vous à quelqu’un qui débute dans votre domaine?

Catherine Turcotte : Il va toujours y avoir beaucoup de travail. Il n’arrivera jamais au bout. Ce qui est intéressant, c’est qu’en ce moment on est capable de trouver certaines réponses. Ce n’est pas vrai qu’on est toujours dans le néant. Tous les travaux qu’on fait nous apportent des réponses et nous apportent aussi soit de nouvelles questions, soit de nouvelles occasions de réfléchir à une autre problématique. Jusqu’ici, mes travaux m’avaient amenée à travailler dans des classes ordinaires et en orthopédagogie, mais un jour, une collègue m’a dit « tout ce que tu fais, j’aimerais bien le tenter avec des élèves qui ont une déficience intellectuelle, qui sont dans une classe spéciale ». C’est comme un nouveau champ de problèmes et de possibilités qui s’ouvre. Ensemble, nous avons travaillé là-dessus. J’ai été confrontée à ce type d’élèves qui ont des caractéristiques particulières sur le plan de la mémoire et de l’attention, que je rencontrais moins avec des élèves, disons, typiques. C’est encore un autre niveau d’ajustement. Ce que je dirais aux personnes qui commence à s’intéresser à ce champ-là, c’est que c’est un champ d’intérêt qui touche aussi toute sorte d’élèves. C’est pour cela que ce n’est jamais fini non plus. La lecture et l’écriture c’est présent partout.

Tout le monde doit avoir un bon niveau de lecture. C’est donc un champ qui est transversal, c’est transdisciplinaire.

Catherine Turcotte chez eValorix

Texte par Kassandra Martel.
Propos recueillis par Félix Vaillancourt